Champagne, la vie en rose

La cote des bulles saumonées ne cesse de grimper, en particulier aux Etats-Unis, grâce à une nouvelle clientèle jeune et décomplexée. Une consécration pour une spécialité historique aux expressions très variées.

Le rosé a une cote d’enfer. Il représente aujourd’hui plus de 30% de la production de vin en France, contre à peine 10% il y a vingt ans. Cette croissance, dopée par le rosé de Provence, a atteint la très aristocratique Champagne. La part des champagnes rosés atteint 10% des exportations, contre à peine 3% il y a vingt ans. La croissance touche tous les pays, mais elle est particulièrement marquée outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, deuxième pays importateur de champagne après le Royaume-Uni, le rosé représentait 17% de la consommation totale en 2018. Un succès qui s’explique par le développement d’une nouvelle clientèle, à la fois jeune, festive et argentée.

Le critique de vins, une subjectivité assumée

Bien choisir les vins pour les Fêtes est un art difficile, en particulier quand on n’y connaît rien. Le journaliste spécialisé joue le rôle de poisson-pilote, avec le plaisir comme principal moteur. Mon éclairage dans « Le Temps ».

Cela peut être un plaisir, mais c’est très souvent un casse-tête. Le choix des vins pour aborder la succession des apéritifs et repas de fin d’année fait l’objet de stratégies complexes: certains acheteurs cherchent des cuvées originales dans les rayons des commerces spécialisés, d’autres font leurs emplettes sur internet alors que la majorité fait son marché dans l’offre pléthorique de la grande distribution. Les critères de sélection sont divers et variés, avec des pondérations entre le niveau de prix, l’expérience personnelle, les médailles obtenues dans les concours, les préférences régionales ou encore la séduction d’une étiquette.

Dans ce marché extrêmement concurrentiel, le critique de vins joue le rôle de poisson-pilote. L’auteur de ces lignes – qui exerce cette fonction à temps partiel pour Le Temps depuis dix ans – goûte, évalue et recrache une centaine de vins par mois. Contrairement au critique de cinéma, qui écrit sur tous les films qu’il va voir, le journaliste du vin est extrêmement sélectif: il ne chronique que ses coups de cœur et encore, pas tous.

Petite arvine Les Clives 2018, Cave Caloz

Le domaine familial de Miège est l’une des locomotives de la viticulture biologique.

A la Cave Caloz, à Miège, on cultive plusieurs sillons en parallèle. La vigne, bien sûr, dans le respect de la nature: le domaine, certifié Bio Suisse, a obtenu en 2019 le titre de cave suisse bio de l’année. L’esprit de famille, ensuite: Conrad et Anne-Carole Caloz ont été rejoints en 2013 par Sandrine, l’aînée de leurs quatre filles, diplômée en œnologie à Changins. Un fort engagement social, enfin, nourri par de profondes convictions catholiques: la maison familiale accueille régulièrement des migrants et des personnes en situation de handicap avec le souci constant «de mettre l’humain au centre».

Cornalin «Neyrun» 2016, Lux Vina

La cuvée spéciale du duo Z’Brun-Gfeller a placé la barre très haut dès son premier millésime

Les vignerons suisses sont de plus en plus nombreux à créer des cuvées à forte valeur ajoutée, issues de leurs meilleures parcelles ou de vinifications spéciales. Il est plus rare qu’ils créent une gamme complète qui se démarque de leur production habituelle. C’est le défi que se sont lancé Patrick Z’Brun, propriétaire des domaines des Chevaliers, à Salquenen, et son œnologue Christian Gfeller. En 2017, les deux hommes ont mis sur le marché six vins estampillés Lux Vina, Lux étant le prénom de la mère de Patrick. En avril 2018, ils ont été rejoints par le cornalin Neyrun, nom historique du cépage valaisan.

Chardonnay Parcelle 902, domaine de la Ville de Morges

Ce domaine historique de La Côte a su saisir le pouls de son époque avec une gamme de vins « natures »

Créée en 1547, l’exploitation de la Ville de Morges a longtemps eu mauvaise réputation. Grâce à Marc Vicari, son nouveau directeur, et à sa transformation en société à responsabilité limitée, elle a pris un nouveau départ en 2013.

Le nouveau responsable est reparti de zéro. Pour les vinifications, il a fait appel à un œnologue-conseil reconnu, Fabio Penta. Souhaitant faire le pas de la biodynamie, il a engagé comme chef vigneron Corentin Houillon, un jeune diplômé originaire d’Arbois qui a de qui tenir: il est le neveu d’Emmanuel Houillon, qui a repris le domaine de Pierre Overnoy, pionnier dans la production des vins «nature» (sans soufre et sans intrants) dans le Jura français.

Grand tasting gamay: le palmarès

La réputation du cépage d’origine bourguignonne pâtit encore de l’image industrielle qui lui colle à la peau. Du Valais à Genève, des vignerons le bichonnent et proposent des vins de haut niveau, ce que montre le palmarès d’une dégustation comparative

Le gamay souffre encore trop souvent de l’image peu reluisante du mauvais élève qui s’isole au fond de la classe pour se faire oublier. Celui qui est systématiquement choisi en dernier lorsqu’il s’agit de faire les équipes à la leçon de gym. Pourtant, comme le prouvent chaque année de nombreux vignerons, le «petit» cépage typique du Beaujolais a beaucoup d’atouts à faire valoir. Mais comme il est productif, sensible et délicat, il faut lui accorder beaucoup d’attention pour qu’il puisse s’exprimer pleinement.

L’œnologue qui murmure à l’oreille des vignerons

Le Vaudois Fabio Penta s’est imposé comme une des références en matière de conseil œnologique en Suisse. Dans l’ombre, il œuvre dans plusieurs domaines prestigieux. Rencontre

Quand il parle de son métier et de sa passion du vin, Fabio Penta rayonne. Un comble pour un homme de l’ombre qui ne communique pas le nom de ses clients: dans le milieu viticole helvète, on assume difficilement de faire appel à un œnologue-conseil pour améliorer la qualité de ses vins. La situation est très différente dans le Bordelais, par exemple, où le recours à des consultants comme Michel Rolland ou Stéphane Derenoncourt constitue un argument de vente. Mais c’est un autre monde: les deux hommes jouissent d’une renommée internationale et encaissent des cachets juteux – le premier utilise un chauffeur pour tous ses déplacements.

Ambassadeur des Domaines Blanc 2016, Nouveau Salquenen AG

Diego Mathier a écrasé le Grand Prix des vins suisses 2018, démontrant une nouvelle fois son art de l’assemblage.

En novembre 2011, Le Temps publiait un portrait de Diego Mathier titré «L’ogre du vin suisse». L’image colle toujours parfaitement à la peau du vigneron de Salquenen: il n’a pas perdu son appétit légendaire, bien au contraire.Déjà titré meilleur vigneron de Suisse en 2007 et 2011, il a de nouveau remporté le titre suprême du Grand Prix du vin suisse en octobre 2018. Un triplé acquis grâce à une domination inédite: le polyglotte diplômé de la HEC Saint-Gall est monté à huit reprises sur le podium, remportant trois catégories (autres cépages blancs purs, assemblage blanc et assemblage rouge), le Prix du meilleur pointage du concours et en plaçant plusieurs vins aux 2e et 3e places.

Les Cailloutis 2016, domaine des Landions

Diplômé HEC et œnologue, Morgan Meier produit des pinots noirs de haute couture

En un peu plus de trois ans, Morgan Meier s’est fait un nom dans le petit monde des vins suisses. Avec une identité très forte qu’il doit à une production entièrement dédiée au pinot noir. Un cépage qui fait partie de l’ADN du Neuchâtelois de 29 ans, diplômé HEC puis formé à l’œnologie à Dijon. Son père, Denis, ingénieur agronome et pépiniériste, a sélectionné pendant deux décennies les clones les plus qualitatifs sur le domaine familial de 25 hectares. Il vendait le raisin, ce que son fils continue à faire pour les trois quarts de la production.

La spectaculaire revanche du rosé

Longtemps décrié, le vin à la robe saumonée connaît un succès sans précédent, dopé par l’intérêt du marché américain. La Provence, qui lui dédie la quasi-totalité de son vignoble, profite de cet engouement avec des prix qui ne cessent de grimper

C’est une lame de fond couleur saumon qui emporte tout sur son passage, bousculant les codes du marché viticole. Longtemps méprisé, confiné à l’apéro et aux grillades estivales, le vin rosé jouit d’une cote de popularité inédite, portée par la forte croissance de ses ventes sur le marché américain. En 2018, l’AOC Côtes-de-Provence, la référence mondiale en la matière, a exporté 37% de sa production contre seulement 7% en 2010. Les exportations ont aussi crû en valeur, avec une hausse de 715% (!). Un succès ahurissant pour une région qui consacre 90% de ses 20 000 hectares de vignes à la production de rosé.

Partout, ce qui a longtemps été considéré comme un petit vin de soif gagne des parts de marché. C’est le cas aux Etats-Unis, où la tendance s’accentue année après année, mais aussi en France, à la fois plus grand producteur et plus grand consommateur de rosé. Plus de 30% de la production nationale, contre 10% il y a vingt ans, est désormais imputable au rosé. Un développement spectaculaire qui touche le sud du pays, mais aussi les autres régions viticoles. La vague a même atteint la très aristocratique Champagne, où les ventes de bulles à la couleur rosée ont doublé en dix ans.