A Boudry, la prof d’anglais devenue vigneronne

Après des études de lettres et dix ans d’enseignement, Céline Austing-Decollogny a repris l’encavage de la Rochette, à Boudry, propriété de sa famille depuis quatre générations. Un choix du cœur pour assurer la pérennité du domaine.

On a beaucoup parlé de la météo ces derniers mois. La faute à un climat qui semble avoir perdu sa boussole, avec des pluies incessantes en Europe centrale alors qu’il faisait beau et chaud en Scandinavie.

Pour Céline Austing-Decollogny, vigneronne à Boudry passée en bio en 2016, le constat est amer: «C’est une année difficile, je suis sans cesse sur le qui-vive pour traiter mes vignes. Mais je me console en me disant que c’était encore pire en 2021. Le cumul des pluies était plus important qu’en mai et juin cette année. Je devais traiter mes 4 hectares de vignes tous les trois à quatre jours. J’ai bien cru que j’allais déclarer forfait.»

Les ambassadeurs du vin neuchâtelois qui ont marqué l’année 2023

Le vignoble cantonal est une pépinière de talents, avec des anciens qui n’ont plus rien à prouver ainsi qu’une relève dynamique et extrêmement prometteuse. Notre sélection subjective des personnalités qui ont marqué l’année viticole, d’Areuse au Noirmont en passant par Auvernier et Hauterive.

Jeanine Schaer, la retraite d’une grande dame

Difficile d’imaginer plus belle sortie: le vendredi 7 juillet dernier, le jour même de son départ officiel à la retraite, Janine Schaer a remporté le concours de dégustation de La Gerle d’Or.

La cuvée victorieuse, Sur le Chemin 2022, a ainsi eu l’honneur d’être le chasselas officiel de la Fête des vendanges 2023. «Cela a vraiment été une expérience géniale, souligne la maître-caviste de la cave des Coteaux. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait trois jours à la fête.»

Charlène Contesse, dresseuse de défis

La vigneronne, qui a vinifié son premier millésime en 2019 en rachetant du raisin à ses parents, a découvert le monde du vin un peu par hasard. Rencontre avec une jeune femme qui fourmille de projets.

Charlène Contesse fait partie des privilégiés qui apprennent très vite. En 2012, lorsqu’elle entame à 20 ans un stage de viticulture au Château d’Auvernier pour pouvoir accéder à la Haute Ecole de viticulture et œnologie de Changins, elle ne connaît rien ou presque au vin. «A la maison, on buvait un verre, mais sans plus. A l’époque, je ne savais même pas que le Sauvignon blanc était un cépage», s’amuse-t-elle aujourd’hui. 

Quatre ans plus tard, elle participe à Paris au concours de dégustation des jeunes professionnels du vin, qui réunit des candidats de 21 pays. Elle termine deuxième. «Une sacrée expérience», résume-t-elle avec humilité.   

Châtelain en Dézaley

En 2020, Arthur Duplan a reçu les clés du domaine viticole créé autour de la tour de Marsens, au cœur du vignoble historique de Lavaux. Un sacré défi pour cet œnologue venu au vin par passion

C’est un joyau, un morceau de patrimoine viticole inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Surplombant le Léman, le vignoble du Dézaley a été structuré par les extensions et les reculs du glacier du Rhône. Il y a presque un millénaire, des moines cisterciens ont défriché ses pentes abruptes pour ériger des centaines de kilomètres de murs de pierre afin de planter la vigne en terrasses.

Au cœur de ce vignoble héroïque, la tour de Marsens découpe sa silhouette crénelée. C’est là, au bout d’un chemin de vigne abrupt, qu’Arthur Duplan, 26 ans, travaille depuis l’automne 2020. Fraîchement diplômé de la Haute Ecole de viticulture et d’œnologie de Changins, il a repris la gestion du domaine viticole créé la même année. Jusque-là, la vendange issue des deux hectares de vignes était vendue à un négociant, sans mention de sa proximité avec l’édifice médiéval.

La biodynamie, de la vigne au verre

Le vigneron de Féchy Raymond Paccot a adopté la méthode culturale en 1999. Il estime qu’elle lui a permis de gagner en qualité, avec des vins qui offrent plus de fraîcheur et de buvabilité.

Dans le petit monde de la viticulture suisse, Raymond Paccot fait partie des incontournables. Avec, souvent, un rôle de pionnier: à la fin des années 1980, le vigneron de Féchy a séparé la vendange de certaines parcelles pour produire les chasselas de terroir En Bayel, le Brez et le Petit Clos, avec pour chacun une expression propre; en 1999, il a fait partie des premiers vignerons suisses à adopter les principes de la biodynamie, avec notamment le Valaisanne Marie-Thérèse Chappaz. 

Pour cet esthète curieux et passionné, le déclic s’est fait progressivement. «En 1986, j’ai gagné le prix de meilleur chasselas de Suisse avec En Bayel. C’était un millésime difficile, j’avais beaucoup travaillé à la cave. C’était un vin technique, traité au charbon. La vendange n’avait pas été respectée dans son intégrité. Je ne voulais plus faire ça. Je voulais pouvoir travailler de manière plus sereine.»

De l’horlogerie au vin, l’ambition de Karl-Friedrich Scheufele de «vendre du rêve»

Le président de Chopard a acheté un domaine viticole en Dordogne. Il n’est pas le seul patron horloger à avoir fait le pas.

Vu de loin, le monde du vin et celui de l’horlogerie n’ont pas grand-chose en commun. A y regarder de plus près, les similitudes sont nombreuses, en particulier dans le haut de gamme. Qu’il s’agisse de production, de marketing ou de vente, les domaines viticoles et les manufactures suisses partagent le même champ lexical: ils mettent en avant l’artisanat, la tradition, l’innovation et la volonté de se rapprocher toujours plus de l’excellence. Avec l’ambition réitérée de «vendre du rêve» pour se démarquer de la concurrence.

Grand prix du vin suisse: Olivier Mounir, vigneron de l’année aux pouces verts

Le Salquenard permet à sa commune d’obtenir un 4e titre national. Une belle reconnaissance pour cet innovateur à la forte sensibilité environnementale.

Et une victoire de plus pour Salquenen ! Après les sacres successifs de Diego Mathier, nommé meilleur vigneron de Suisse en 2007, 2011 et 2018, c’est au tour d’un autre producteur de la commune haut-valaisanne de décrocher la timbale. 

Avec quatre titres nationaux en 16 éditions du concours, Salquenen s’impose comme la locomotive du vin valaisan et suisse, avec un dynamisme qui impressionne. Le village de 1600 habitants, pour la plupart bilingues, regroupe une quarantaine d’entreprises viticoles qui exploitent un peu moins de 200 hectares de vignes sur un terroir calcaire dédié en grande majorité au vin rouge, le pinot noir en particulier. En 1988, les vignerons du cru ont été les premiers en Suisse à instaurer la limitation des rendements, avant même la création des AOC, trois ans plus tard. Dans le même élan, ils ont créé le premier Grand Cru du pays.

La vigneronne venue de l’Est

Mathilda Olmi

Arrivée en Suisse en 2003, la Roumaine Valentina Andrei a appris le métier auprès de Marie-Thérèse Chappaz avant de prendre son indépendance. Avec une ténacité hors normes, elle s’est imposée comme une référence du vin suisse

C’était un rêve, un projet de vie. Depuis qu’elle a décidé de devenir vigneronne, à l’adolescence, Valentina Andrei a toujours voulu posséder son propre domaine viticole. La native de Botosani, au nord de la Roumanie, y est parvenue en 2012, moins de dix ans après son arrivée en Suisse. Femme dans un métier resté très masculin, immigrée dans un Valais viticole conservateur, elle a gagné le respect de tous par son travail acharné et la grande qualité de ses vins.

Dans son petit caveau de Saillon, racheté en 2015 à l’ancienne légende du FC Sion Fernand Luisier, elle mesure le chemin parcouru. Avec fierté, mais sans aucune nostalgie. «Dans la vie, c’est l’avenir qui m’intéresse, je ne regarde pas derrière moi.» Une philosophie qu’elle applique à ses vins. «Une fois qu’un millésime a été mis en bouteille, je ne m’y intéresse plus du tout. Tu ne peux plus rien changer, alors à quoi bon?»

André Hoffmann, militant pour une viticulture durable

Passionné par le vin, le descendant des fondateurs du groupe pharmaceutique Roche a racheté en 2017 des vignobles à Yvorne et en Bourgogne avec l’objectif de s’extraire des produits de synthèse. Rencontre au carnotzet.

Par la porte entrouverte, on entend des rires sonores et les éclats d’une discussion passionnée. Installés dans le carnotzet du Domaine de la Pierre Latine, à Yvorne, Philippe Gex et André Hoffmann refont le monde en partageant un verre de chasselas. Complices, les deux sexagénaires se connaissent depuis presque vingt ans. «Lorsque j’étais gouverneur de la Confrérie du Guillon, j’ai intronisé le père d’André, Luc Hoffmann, précise le premier. On est devenus amis.»

Ce lien, solidement ancré dans le terroir vaudois, a pris une nouvelle dimension en 2017 quand André Hoffmann a racheté les 15 hectares de la Pierre Latine. «On en parlait depuis plusieurs années, les choses se sont faites naturellement», précise le nouveau propriétaire, descendant des fondateurs du groupe pharmaceutique Hoffmann-La Roche. «Pour moi, c’est la meilleure solution possible, enchaîne Philippe Gex. Ma fille unique n’a pas d’intérêt pour le vin. Avec cette vente, j’assure la pérennité du domaine tout en restant aux commandes de l’exploitation.»

Morgan Meier, le pinot noir comme étendard

En trois millésimes, l’œnologue s’est imposé comme une des locomotives de la viticulture neuchâteloise, remportant cette année le titre de champion suisse pour ses Landions 2018.

Morgan Meier fait partie d’une espèce rare: ceux pour qui l’année 2020 n’est pas complètement à oublier. A la fin du mois d’octobre, l’œnologue neuchâtelois, 30 ans, a remporté la catégorie «pinot noir» du Grand Prix du vin suisse avec Les Landions 2018, cuvée parcellaire qui porte le même nom que le domaine. Ce titre faisait suite à l’inauguration, en mars dernier, d’un nouvel espace de vinification et d’élevage situé au milieu des vignes, à Cortaillod, en face de l’ancienne ferme qu’il utilisait jusque-là.

Depuis l’intérieur de ce parallélépipède de béton, une large baie vitrée permet d’admirer les ceps qui ondulent dans le vent et, à l’horizon, les premiers contreforts du massif jurassien. Mais le décor n’est pas la priorité de Morgan Meier: «Ce nouvel outil de travail change beaucoup de choses sur le plan pratique. Auparavant, par manque de place, je devais faire l’étiquetage à l’extérieur. En hiver, à cause du froid, les étiquettes ne collaient pas. C’était un peu compliqué. Sans parler du stockage de nos fûts de chêne… Nous étions vraiment très à l’étroit.»