Les célèbres vins liquoreux du Vieux pays traversent une passe délicate. Mais pas de quoi s’inquiéter pour leur pérennité, assure le nouveau président de la Charte, Robert Taramarcaz.
Des consommateurs de moins en moins portés sur les produits sucrés. Des millésimes récents peu favorables au développement du fameux botrytis cinerea, qui leur donne patine et complexité. Les vins liquoreux valaisans de la Charte Grain Noble confidentiel traversent une période difficile après le boom de la première décennie des années 2000. Mais pour Robert Taramarcaz, qui a pris l’an dernier la succession d’Emmanuel Charpin à la présidence de la charte, il n’y a pas lieu de s’inquiéter: « On ne peut pas comparer la situation valaisanne avec les vins de Sauternes, par exemple. Aucun de nos membres n’imagine faire recette avec ce type de vins, qui représente une part infime de chaque production. L’objectif est de réaliser un vin doux de rêve malgré les caprices du temps… C’est un véritable défi, c’est pour cela que nous sommes si «ConfidenCiel»! »
La vingtaine de producteurs de la charte produisent un total de 5000 à 8000 litres de vins labelisés Grain Noble, un bon tiers de moins qu’il y a 10 ans. Un marché de niche, donc, qui est appelé à le rester. « Comme notre objectif est de produire des vins doux d’exception, ce chiffre ne devrait pas beaucoup évoluer ces prochaines années », reprend Robert Taramarcaz. D’autant que leur intérêt économique est limité: un vin blanc sec offre un rendement huit à dix fois supérieur à celui d’un liquoreux.
Après un millésime 2017 historiquement bas en volume pour la viticulture valaisanne, les membres de la charte font front. « Dans cette période plus difficile, nous allons fonctionner davantage comme un club et resserrer les liens, reprend l’œnologue propriétaire du domaine des Muses, à Sierre. Mais nous restons à l’affût de toute manifestation qui pourrait nous permettre de présenter nos trésors au public… La Mémoire des Vins Suisse en est une. C’est même la plateforme idéale: les grands vins surmaturés sur souche arrivent à maturité après 10 ou 15 de bouteilles. Ils sont taillés pour la garde. »
Co-fondatrice de la charte en 1996, Marie-Thérèse Chappaz est sur la même longueur d’onde: « Les Grains nobles sont des vins qu’il faut faire vieillir. Avec les années, le sucre se fond, on le ressent beaucoup moins. Et on gagne encore en complexité. Lors des dégustations, il faut mettre l’accent sur les vieux millésimes. Et arrêter de les servir en fin de repas à rallonge. Cela leur fait plus de tort que de bien. »
La vigneronne de Fully considère qu’il faut servir les Grains nobles avec des plats adaptés, et abandonner l’idée de leur dédié des menus entiers. « Il faut intégrer un vin liquoreux avec des rouges et des bancs secs pour ne pas lasser les gens. Ils se marient très bien avec un poulet aux épices, par exemple. La volaille intègre très bien le gras du vin. Ou alors avec un stilton et du pain de seigle. Selon moi, c’est l’accord parfait! »
La charte impose d’utiliser les cépages traditionnels valaisans. Marie-Thérèse Chappaz propose mettre l’accent sur la petite arvine pure. « Nous sommes quatre ou cinq à produire des Grains nobles composés à 100% de petite arvine. C’est dommage! Il faudrait faire plus. » Convaincue qu’il faut développer la promotion et « se rapprocher des clients », elle a proposé à l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais d’intégrer les Grains nobles au palmarès des Etoiles du Valais. « L’IVV devait créer prochainement une étoile spéciale pour les vins liquoreux, se réjouit la vigneronne. C’est à mon sens indispensable: les vins doux naturels font partie intégrante du patrimoine viticole valaisan. »
Article paru dans le Swiss Wine Magazine Valais – 2018 – 1