Sous la houlette de l’œnologue Damien Caruzzo, le premier vin « icône suisse » est désormais composé quasi exclusivement de cépages autochtones. Un changement de cap qui doit lui permettre de trouver une ligne plus cohérente.
Electus, premier vin « icône suisse » lancé par Provins en septembre 2013, se repositionne. Après plusieurs hésitations sur sa politique de prix, c’est la composition de l’assemblage qui connaît un changement de cap. Sous la houlette de Damien Caruzzo, désormais seul aux commandes, les millésimes 2016 et 2017 (non encore commercialisés) sont composés quasi exclusivement de cépages autochtones. « Ma volonté est de baisser la proportion de cépages bordelais pour donner à Electus un profil plus fruité et élégant », souligne l’œnologue valaisan sous le regard approbateur de Raphaël Garcia, directeur général de Provins.
Une verticale d’Electus organisée le 7 janvier dernier à Sion souligne le bien fondé de ce repositionnement qui doit permettre à la cuvée haut de gamme (150 francs) de trouver une identité. Difficile, en effet, de trouver un fil conducteur entre les premiers millésimes: si le 2010 présente un profil résolument bordelais, les suivants se cherchent, avec une forte oscillation entre la composition de l’assemblage et la maturité du raisin. La syrah, par exemple, est absente en 2010 et 2013 mais représente 30% de l’assemblage en 2015. Seul fil conducteur objectif: un élevage noble et bien intégré.
Tirés à la barrique, les millésimes 2016 (cornalin 30%, syrah 24%, humagne rouge 20%, diolinoir 18%, merlot 8%) et 2017 (syrah 31%, cornalin 31%, humagne rouge 28%, diolinoir 7%, cabernet franc 3%) présentent une forte identité ethnique, avec un potentiel prometteur. Ils ont besoin de temps, bien sûr, mais ils s’inscrivent comme de véritables ambassadeurs du terroir valaisan, rompant avec le modèle initial calqué sur les Supertoscans.
Eclat, un blanc à la ligne claire
Electus a un pendant blanc, Eclat, assemblage de païen (savagnin blanc) et de petite arvine avec des proportions qui varient selon les années. Le raisin est sélectionné sur 2 ha et treize parcelles réparties sur des sols calcaires entre Saint-Léonard et Sierre. Il propose un style tranchant malgré un élevage sous bois avec 80% de fûts neufs. Il présente beaucoup de précision aromatique et de tension en bouche sur tous les millésimes. Damien Caruzzo précise que « les grappes d’arvine sont cueillies relativement tôt, avant que les baies « caillent », histoire de mettre en évidence la minéralité plutôt que le fruit ». Ce « grand blanc » est vendu 75 francs la bouteille.
Les vins dégustés (millésimes en bouteille)
Electus 2010 (22% diolinoir, 22% merlot, 19% cornalin, 19% humagne rouge, 18% cabernet sauvignon).
Nez sur les fruits noirs, très belle complexité avec des épices et une note fumée. Bouche avec du volume, tanins encore serrés avec du fruit et un léger végétal noble. Beaucoup d’élégance, avec une belle longueur et de la fraîcheur. Un vin qui en garde encore sous la semelle. Miam ! 93/10
Electus 2011 (22% humagne rouge, 21% cornalin, 19% diolinoir, 18% syrah, 17% merlot, 2% cabernet sauvignon, 1% cabernet franc)
Nez sur les petits fruits noirs, cassis, mûres et une touche d’épices douce. Début d’oxydation sur une première bouteille. Le second flacon est plus sur le fruit. La bouche présente une structure moyenne, sur les fruits frais. Un vin digeste avec des tanins présents mais fondus. Longueur moyenne. A boire dans les années qui viennent. 89/100
Electus 2013 (35% cornalin, 28% humagne, 18% diolinoir, 9% merlot, 8% cabernet sauvignon, 2% cabernet franc)
Un millésime que je n’avais pas du tout aimé lors de la précédente dégustation, en raison d’un nez au profil animal (brett?). Il s’en tirer mieux cette fois, avec un nez sur les fruits noirs, l’herbe séchée et le poivron vert. La bouche est ferme avec une structure moyenne, du fruit, mais un léger végétal qui lui donne de l’amertume en finale. Encore une fois, le moins bien noté de la série. 87/100
Electus 2014 (28% diolinoir, 20% syrah, 20% cornalin, 15% humagne rouge, 7% merlot, 6% cabernet sauvignon, 4% cabernet franc)
Un vin clivant que mon collègue Yves Beck a préféré ne pas le noter. Personnellement, j’ai bien aimé son nez séducteur sur les fruits rouges avec une note fumée et une touche de chocolat qui souligne un (bel) élevage pas encore tout à fait intégré. La bouche offre un fruit croquant avec une belle texture enveloppante. Un vin de plaisir avec de l’élégance malgré une légère note végétale (encore…) en finale. (90/100)
Electus 2015 (30% syrah, 22% cornalin, 20% diolinoir, 18% humagne rouge, 5% cabernet franc, 5% cabernet sauvignon)
Avant aération, le nez est monolithique et retenu. Il s’exprime ensuite progressivement des arômes rhodaniens de cerises noires, de violette, de poivre blanc et une note mentholée. En bouche, matière riche avec une masse tannique très dense. Le fruit domine le bois. Très beau potentiel, à attendre d’urgence. (93/100)
Electus 2016 et 2017 non notés
Eclat 2014 (55% petite arvine – 45% heida)
Nez très ouvert, épanoui, rhubarbe, citron confit, glycine, épices douces. Millésime exceptionnel pour les blancs. Bouche tendue, citronnée avec du gras et un élevage très bien intégré. Finale salivante sur le silex, belle persistance en bouche. Mon préféré à boire aujourd’hui. 93/100
Eclat 2015 (80% petite arvine et 20% heida)
Nez ciselé, sur le pomelo et la rhubarbe compotée qui souligne la belle maturité du fruit.Bouche sur le même profil qu’en 2014, avec un peu plus de souplesse. Sur les fruits exotiques (fruits de la passion, pamplemousse), avec une très belle trame acide et une finale salivante. Elevage un peu moins bien intégré à ce stade que sur les autres millésimes. 90/100
Eclat 2016(95% petite arvine, 5% heida)
Un millésime typé petit arvine, avec un nez archétypique sur la glycine et les agrumes. Bouche plus austère, mais belle texture avec de la tension et une finale saline. A attendre. 90/100
Eclat 2017 (90% petite arvine – 10% heida)
Nez d’abord retenu, gagne beaucoup à l’aération, sur le pamplemousse rose, la grenade, les épices douces. Bouche tendue sur les fruits exotiques avec une belle allonge. Un grand vin de garde, sur le profil du 2015 avec plus de potentiel (93/100)