Très délicat, le cépage a longtemps été hégémonique dans le nord du Tessin, avant d’être remplacée par le merlot. Le vigneron de Sementina en a fait une spécialité appréciée.
C’est un cépage rouge rustique et mystérieux, très peu connu en dehors des frontières tessinoises. Longtemps populaire, la bondola a été arrachée massivement pour être remplacée par du merlot, devenu le cépage roi dans le canton. «Dans les années 1950, elle recouvrait encore plus de 50% du vignoble du Sopraceneri, dans le nord du canton», raconte Giorgio Rossi, patron de l’Azienda Mondo à Sementina, près de Bellinzone. «C’est un raisin qui pourrit facilement, avec une peau très fine. Il n’est pas facile d’arriver à maturité avec une vendange saine. Beaucoup de vignerons l’ont abandonné pour cette raison.»
Mentionnée pour la première fois en 1785, la bondola n’a pas de parents connus. Elle ne présente pas de liens directs avec des cépages d’Italie du Nord. Des tests ADN ont montré en 2005 qu’elle possédait un génome identique à celui du briegler, un cépage presque disparu cultivé autrefois dans les cantons de Zurich, Aarau, Lucerne et Berne. Les études ADN effectuées en 2011 par l’ampélologue-généticien valaisan José Vouillamoz, coauteur de l’encyclopédie des cépages Wine Grapes, ont démontré que la bondola/briegler avait eu deux «enfants» avec le completer, un blanc grison: le hitzkircher et la bondoletta, deux variétés confidentielles dispersées dans des vignes lucernoises et tessinoises.
Pour Giorgio Rossi, qui exploite 5 hectares de vignoble répartis sur 25 parcelles en terrasses, l’attachement à la bondola remonte à l’enfance. Ses parents agriculteurs exploitaient un hectare de vigne et vendaient le raisin à la coopérative locale. Ils vinifiaient une petite partie de la production pour la famille, le fameux «nostrano». La bondola était majoritaire. «Après la vendange, les enfants pouvaient fouler le raisin avec les pieds dans la cuve, raconte l’artisan-vigneron. L’odeur fruitée caractéristique du cépage m’a marqué, ce sont de très beaux souvenirs. Et puis c’est le seul cépage typiquement tessinois. Je suis extrêmement attaché à ce patrimoine.»
Venu au vin «par passion» après une formation d’ingénieur civil, Giorgio Rossi vinifie la bondola depuis 1995. Il a d’abord utilisé de vieux ceps de 70 à 80 ans hérités de ses parents et répartis sur plusieurs parcelles, toutes situées sur la rive droite de la plaine de Magadino, qui s’étire entre Bellinzone et le lac Majeur. Il a replanté trois petites parcelles uniquement avec de la bondola il y a une dizaine d’années sur des sols légers argilo-sableux favorables au cépage. Aujourd’hui, il dispose de 5000 m2 et n’entend pas en faire plus. Cultivée par une dizaine de petits producteurs, la bondola recouvre 11,5 des 1076 hectares du vignoble tessinois.
Baptisée en l’honneur de son grand-père («Bondola del Nonu Mario»), la bondola de Giorgio Rossi est devenue l’emblème de l’Azienda Mondo. Il a progressivement réussi à la faire connaître en dehors des frontières du Tessin. «En 2002, je suis allé présenter mes vins à Zurich. Ma bondola était la seule de toute la dégustation. Elle a suscité l’intérêt de journalistes alémaniques. Il y a eu plusieurs articles de presse.» Ce coup de pouce a permis au cépage et au vigneron de gagner en notoriété. En 2007, la Bondola del Nonu Mario est entrée dans le cercle fermé de la Mémoire des vins suisses.
Autodidacte aidé depuis 2005 par son frère Andrea, Giorgio Rossi privilégie depuis l’origine des rendements modérés à la vigne (entre 800 g et 1 kg par m2) et des cuvages courts pour ne pas extraire des tanins souvent rustiques. A la recherche de l’excellence, il a fait plusieurs essais de vinification. Après avoir élevé la bondola en cuve, puis en barrique de 225 litres, il a opté dès 2008 pour une solution mixte: un tiers en cuve, un tiers en barrique et un tiers en foudre de 500 litres. Une solution qui permet de «privilégier l’expression du fruit».