Lancé en 2013, le premier vin « icône suisse » n’est pas à la hauteur de ses ambitions, comme l’a montré une dégustation des trois premiers millésimes.
Il s’appelle Electus. L’élu, en latin. C’est le premier vin « icône suisse » lancé par Provins en septembre 2013. A l’origine, cet assemblage de cornalin, humagne rouge, cabernet sauvignon, diolinoir et merlot issu des meilleurs parchets de la coopérative valaisanne était destiné exclusivement à l’export. Avec un prix de 249 francs inédit pour un vin suisse, il avait l’ambition de se positionner comme un produit de luxe et régater avec les Supertoscans et les crus classés bordelais.
Cinq ans plus tard, le bilan est mitigé. J’ai pu le constater fin mars lors d’une dégustation des trois premiers millésimes d’Electus organisée à Sion lors de la rencontre annuelle de la Mémoire des vins suisse. Le programme comprenait également la dégustation de la cuvée « sœur » d’Electus, Eclat, un assemblage blanc d’arvine et de savagnin blanc, ainsi que des vieux millésimes de chez Provins. Parmi eux, un Ermitage 1980 et une Dôle 1976 du domaine de l’Evêché absolument bluffant.
Mais revenons à Electus. En 2014, quand Provins a décidé de vendre son vin iconique également en Suisse avec un prix revu à la baisse (190 francs), j’ai dégusté le premier millésime, le 2010, lors d’une dégustation organisée au Castel d’Uvrier. Une vraie réussite au niveau qualitatif avec du volume, du fruit, des tanins raffinés et un élevage sous bois parfaitement maîtrisé. Mais avec un prix aussi élevé et une notoriété proche de zéro, le pronostic coulait de source: il allait être difficile d’écouler les 30 000 bouteilles produites.
Pour s’imposer comme une référence qui titille le cortex des consommateurs, Electus a l’obligation d’être irréprochable sur le plan qualitatif. La dégustation des millésimes 2011 et 2013 a montré que ce n’est pas le cas: si le 2011 parvient à tirer son épingle du jeu avec son profil sudiste et sa bouche juteuse, le 2013 constitue une vraie déception, partagée par la grande majorité des dégustateurs présents. Un vin sans grand relief avec un élevage marqué et une finale asséchante. Bref, un millésime très loin des ambitions affichées lors du lancement de l' »icône », cette même année 2013.
Le pari viticole n’est pas perdu. Electus n’est pas encore sec derrière les oreilles: les millésimes à venir se montreront peut-être plus aboutis et réguliers. La stratégie commerciale, elle, constitue d’ores et déjà un échec. C’est la notoriété et le jeu de l’offre et de la demande qui permettent de définir le niveau de prix. En prenant les choses à l’envers avec un concept et un prix fluctuant (le flacon est désormais vendu 150 francs), Provins s’est engagé dans une impasse. Un constat qui a quelque chose de rassurant: on ne s’autoproclame pas produit de luxe, on essaie, humblement, de le devenir.